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Du Poil à gratter – Les irradiés d’Epinal : De l’erreur à la faute

Il y a un certain nombre de points communs entre la médecine et le transport aérien. Dans les deux cas, on a affaire à un personnel très qualifié utilisant des outils de haute technologie entraînant une interaction complexe entre l’humain et la technique. En cas d’accident, il importe donc particulièrement de faire la distinction entre l’erreur et la faute.

L’erreur, c’est une mauvaise prise de décision due à de multiples facteurs sans qu’il y ait eu intention de nuire. La faute, c’est le non respect des règles élémentaires de sécurité entraînant une mise en danger de la vie d’autrui. Dans le premier cas, l’erreur fait l’objet d’une procédure civile visant à l’indemnisation des victimes, dans le deuxième, ce sont des sanctions pénales qui seront demandées.

2 cas de sur-irradiation en France

Il est souvent très difficile de distinguer l’erreur de la faute et parfois les mêmes causes n’ont pas les mêmes conséquences. Il y a eu ainsi deux très importants cas de sur-irradiation en France. Le premier à Toulouse dû à un mauvais calibrage de l’appareil de radiothérapie, le second à Épinal, à cause d’un passage non maîtrisé à un nouveau protocole dans le traitement des cancers de la prostate.

Des circonstances aggravantes

Dans le premier cas, la justice a estimé qu’il n’y avait pas eu faute alors que le procès d’Epinal a donné lieu à de très lourdes condamnations à l’encontre des médecins de l’hôpital Jean Monnet. Il faut dire que le procès d’Épinal a mis en évidence des circonstances particulièrement aggravantes. Non seulement les responsables ont fait une erreur, mais ils n’ont pas pris les dispositions nécessaires, lorsqu’ils s’en sont aperçus. Ils n’en ont  pas informé les patients et ne leur ont proposé aucune thérapie pour prévenir et diminuer autant que possible les séquelles des surdoses de rayons.

Soustraction et falsification des dossiers

Et en plus de cette erreur, il y a eu également soustraction et falsification de documents, afin de dissimuler la vérité aux enquêteurs, C’est ainsi que l’inspectrice de l’IGAS a évoqué lors de l’audience des dossiers médicaux « squelettiques ». A en croire cette dernière, la vraie cause du décès des patients n’aurait pas même pas été communiquée aux familles. Il ne s’agit plus là d’une simple erreur d’appréciation, mais de la volonté délibérée de dissimuler une vérité gênante.

Défense pathétique

Il est vrai que la lecture des minutes du procès laisse un arrière goût amer. La manière pathétique dont les médecins et le radiothérapeute se sont rejetés la responsabilité des faits durant l’audience ne constitue ni plus ni moins qu’une insulte aux victimes. Celles-ci n’attendaient qu’une seule chose : des excuses. Apparemment, cela est encore trop pour ces praticiens pourtant confrontés à l’évidence des faits.

Le cancer derrière, la vie aussi

Preuve de cette insoutenable négation de la réalité, le poignant témoignage de cette veuve d’un des douze patients qui ont payé cette erreur de leur vie. Elle explique avoir téléphoné au médecin de l’hôpital qui suivait son mari, pour lui signaler que ce dernier n’allait pas bien du tout. Réponse de ce dernier parfaitement au courant que les problèmes de son patient étaient dus à la sur-irradiation : « Dites lui bien à votre mari que son cancer est derrière lui ». Il aurait du préciser que le cercueil, lui, était devant…

Obstination criminelle

Si la médecine n’est pas une science exacte et que l’erreur n’est jamais à exclure, l’obstination dans la négation de cette dernière est criminelle. Ce procès est celui de l’orgueil. Orgueil de praticiens qui, voulant à tout pris faire de leur service un pôle d’excellence, ont dans leur hâte de réussir, négligé les plus élémentaires règles de prudence. Agissant dans une urgence illusoire, ils n’ont même pas pris la peine de former correctement le personnel à cette nouvelle technique.

Dans leur bunker

Ce procès est également celui d’un service qui a pu agir sans subir le moindre contrôle. Lors de l’audience, l’ancienne directrice de l’hôpital a parfaitement résumé la situation en ces termes : « Les radiothérapeutes étaient dans leur bunker ».

Du mépris

Ce procès est enfin celui du mépris. Mépris vis-à-vis des patients qui auraient dû être avertis de ce changement de protocole et être informés des risques encourus. Ce procès aurait pu être également celui de la mise en cause d’un système aveugle. Malgré les erreurs et les fautes commises, le nombre de patients affectés par ces surdoses de rayons aurait pu être considérablement réduit.

Un véritable drame humain

Il faut bien se rendre compte que l’on ne parle pas ici d’une petite erreur sans conséquence mais d’un véritable drame humain. Ce sont 424 personnes qui subissent chaque jours les séquelles du comportement irresponsable de ceux qui auraient dû les soigner. 424 personnes, c’est le nombre de passagers d’un Boeing 747. Et que dire de ces douze familles plongées dans le deuil ?

Un enfer médical

Durant le procès, les avocats des accusés n’ont eu de cesse de déclarer que ces derniers n’étaient animés que de bonnes attentions. Les bonnes intentions ne suffisent pas, l’enfer en est pavé, et, si le jugement était confirmé en appel, l’enfer carcéral que connaîtront les responsables de ce drame sera bien peu de chose au regard de la douleur des victime et de la souffrance des familles.

 Brigitte Goldberg

 

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