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Évasion fiscale – Qu’est-ce que l’affaire des Luxleaks a changé ?

Les Luxleaks ont fait prendre conscience de l’ampleur de l’évasion fiscale et posé la question de la protection des lanceurs d’alerte, mais qu’est-ce qui a bougé à ce jour ? Lucie Watrinet,  CCFD-Terre Solidaire, coordinatrice des travaux de la plateforme Paradis fiscaux et judiciaires, Justin Turpel ex-député du Luxembourg et Philippe Lamberts, député luxembourgeois des Verts, y répondent.

“Les luxleaks ont abouti à la convergence de 20 mouvements européens, qui ne travaillaient pas ensemble. Alliance réunit 250 organisations pour lutter contre l’évasion fiscale. Les luxleaks, ce n’est pas un scandale comme un autre ! L’ampleur du problème, l’accumulation des cas ont mis la pression et ont rendu inaudible l’argument de la légalité de ces pratiques”, souligne  Lucie Watrinet.

L’opinion publique a changé

“Savoir qu’Apple ne paye que 2 % d’impôts alors qu’on demande des efforts aux citoyens, cela devient insupportable ! poursuit-elle. “Quand on sait qu’au Luxembourg, 49% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, c’est juste intolérable !” renchérit Justin Turpel, Les mouvements citoyens s’emparent de plus en plus de ces sujets de fonds, qui avant, leur auraient paru inabordables. “Désormais, les grandes entreprises redoutent l’image fiscale qu’elles peuvent avoir dans l’opinion“.

La transparence n’est pas acquise

“Par notre soutien à Antoine Deltour, on se bat pour que les pratiques fiscales qu’il a révélées, n’existent plus, mais on n’est pas au bout de nos peines. Il faut savoir que Pierre Joxe et notre conseil constitutionnel en France a bloqué 10 mesures en 3 ans sur des questions de transparence“, rappelle Lucie Watrinet.

Des journalistes, des acteurs politiques ou de la finance ont pris ce risque

Prendre part au Comité de soutien Antoine Deltour est un risque, parce que depuis la disparition de l’industrie au Luxembourg, le pays vit par la finance, mais une centaine de journalistes, d’acteurs de la politique ou de la finance luxembourgeoise ont pris ce risque  et Justin Turpel l’a fait lui aussi !” Je ne vois pas de contradiction entre exercer un mandat politique et être activiste dans le société civile”, déclare-t-il.

La commission européenne demande le remboursement

La commission européenne a décidé d’attaquer l’Irlande dans le cas d’Apple, mais aussi le Luxembourg et les Pays bas pour des accords passés avec Fiat, Amazon ou Starbucks. Elle assimile la possibilité pour une entreprise de négocier directement  et secrètement avec un État à des aides illégales, qui viennent contrer le principe de libre concurrence et c’est une conséquence des Luxleaks.

Dire : c’est intolérable et freiner des 4 pattes

Mais il reste d’après les 3 témoins, une inertie et une façon de dire : “C’est intolérable, je m’en occupe” et de freiner des 4 pattes pour préserver ses avantages. Le système profite à beaucoup d’élus. “Tout était légal, mais c’est du passé“, une petite phrase répétée en boucle qui prouve bien que le cheminement est douloureux. “25 pays sur 28 utilisaient les Tax Rulings, mais le Luxembourg les a généralisés, constate Justin Turpel. Les fonctionnaires eux-mêmes disaient que c’était du vol, qu’il fallait arrêter ça tout de suite”.

On parle de 1000 milliards d’€ détournés

Les comités luxembourgeois et français ont su s’allier pour peser plus.“Ce qui est remarquable, c’est qu’à aucun moment, on n’a opposé le Luxembourg à la France“, apprécie l’ex député. Il remarque par contre qu’il n’a jamais été répondu aux 35 questions parlementaires qui ont été posées au Luxembourg au sujet des Rulings, et Lucie Watrinet évoque les conventions sensées éviter la double imposition qui aboutisse à ce que la multinationale ne paie d’impôts nulle part ! On parle de 1000 milliards d’€ pour l’Europe !

La démocratie sacrifiée pour les intérêts financiers

Comme élu, je ne cours pas de risque,  je peux même bénéficier de l’immunité parlementaire, ironise Philippe Lamberts. En démocratie, la souveraineté suprême est détenue par le citoyen. Il doit être informé ! Or au nom de la sécurité, on doit tout savoir de nous, mais au nom de la compétitivité, on a l’opacité”. 2 poids, 2 mesures qui privent délibérement le citoyen de son libre arbitre.

Pas réussi à bloquer le compresseur du secret des affaires

Et de poursuivre avec virulence : “Le sort des actionnaires de BNP paribas ne m’empêche pas de dormir, mais on n’a pas réussi à bloquer le compresseur du secret des affaires ! Quand il s’agit de protéger ceux qui dénoncent des pratiques intolérables, il faut réfléchir, mais pour protéger ceux qui bloquent l’intérêt général, on ne réfléchit plus”.

On dit qu’on va faire, mais on ne fait pas

“La commission européenne veut donner l’impression de faire sans faire. Où est le problème de déclarer vos entités légales, le nombre de salariés et le chiffre d’affaires ? En quoi cela menace-t-il la compétitivité des entreprises ? Pourquoi les multinationales ont-elles tellement peur que leur réputation soit atteinte ? Pour l’instant, on dit qu’on va faire, mais on bloque tout ce qui peut faire avancer les choses dès que les citoyens ont le dos tourné“.

Le résultat de choix politiques

On taille également dans les critères pour ne pas apparaître comme paradis fiscal, parce que c’est difficile de trouver une excuse crédible à ces évasions fiscales, insiste Philippe Lamberts. Cette injustice fiscale est bien le résultat de choix politiques ! Quand la commissaire européenne Margrethe Vestager (danoise) s’attaque à l’Irlande, aux Pays bas, par un redressement de fiscalité, les pays freinent encore à se retourner contre Google, Apple et d’autres multinationales du même rang  pour leur demander ce remboursement”.

Après vous, je n’en ferai rien !

On ne veut pas de justice sociale, insiste Philippe Lamberts, parce que les décideurs profitent du système. C’est du “après vous, je n’en ferai rien” et il va falloir augmenter la pression ! J’en ai marre d’entendre ces gens dire la main sur le coeur : c’est affreux, il faut que ça cesse et faire l’inverse en favorisant la concentration des richesses. L’argent achète le pouvoir et ça ne pose aucun problème aux politiques de remettre en cause la démocratie pour défendre ce qu’ils ont !” Un plaidoyer qui déchaîne les applaudissements.

L’évasion fiscale absente du débat présidentiel

“Il y a 10 ans, on avait du mal à mobiliser les citoyens, mais aujourd’hui, les gens n’en peuvent plus. Ils se déplacent pour discuter des grandes causes, des choix et des injustices, mais c’est une course contre la montre ! Il faut que ça entre dans les sujets défendus aux élections. Aujourd’hui, l’évasion fiscale est absente du débat présidentiel”. Et pourtant récupérer 1000 milliards d’€ pour l’Europe permettrait de mettre en place plein de projets pour l’intérêt général !

On ne pourra plus revenir en arrière

S’il reste du chemin, l’avancée a été sans commune mesure pour les lanceurs d’alerte, même s’ils ne sont pas encore complètement protégés : “Avec la loi Sapin, on a aujourd’hui une loi globale au lieu de 6 sur des aspects différents, une définition du lanceur d’alerte avec cette notion de menace ou de préjudice pour l’intérêt général, et ça c’est une avancée. A chaque définition, on se demandait si Antoine Deltour aurait été protégé”, témoigne Lucie Watrinet. Une avancée à petit pas, mais surtout une énorme prise de conscience. On ne pourra plus revenir en arrière.

B.Boulay

Journaliste, c'est mon job ! J'aime les rencontres qu'il suscite, la diversité des milieux où il nous mène, les enjeux qu'il explore. J'apprécie le jeu de fil de fériste de l'éthique, qui parfois nous complique bien la vie... Après plus de 15 ans d’actualités locales, ACTU 88 est né. L’essentiel en toute simplicité. ACTU 88, c’est un journal indépendant, une aventure, un regard. C’est l’histoire d’hommes et de femmes qui donnent du sens à des projets. C’est la vie d’un territoire face aux enjeux de l’avenir. Faites-en un favori et contactez-moi ! ACTU 88 sera ce que vous en ferez ...

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