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Épinal – Violences faites aux femmes, les enfants trinquent !

Aujourd’hui, dans le cadre de la journée internationale, un forum était consacré aux violences faites aux femmes. Après avoir passé en revue les dispositifs existants pour aider ces femmes, Le CIDFF avait invité Karen Sadlier, directrice du département Enfants du Centre du Psychotrauma de l’Institut de Victimologie (CPIV) pour parler de l’aide à apporter aux enfants pris dans cette spirale.
Quand un homme frappe sa compagne, il tente de prendre le pouvoir sur sa victime. Les agressions verbales, psychologiques, économiques, physiques, sexuelles, qui constituent la violence conjugale, créent un climat de peur que l’enfant vit au quotidien. Souvent, sa souffrance est négligée. Les professionnels pensent d’abord à protéger la maman, avant d’envisager l’impact indirect sur les enfants.

80% des enfants sont témoins oculaires ou auditifs

80 % des enfants sont témoins oculaires ou auditifs des violences conjugales, même si les parents pensent qu’ils ne le sont pas. Et les 20 % restants sont témoins de ce qu’implique la violence, l’isolement, les sensations de terreur dans la maison”, énonce Karen Sadlier. Et des études nord-américaines montrent que les enfants témoins de violences conjugales sont en souffrance.

Les premiers coups arrivent souvent avec la grossesse

“La grossesse est d’ailleurs une période à haut risque au cours de laquelle sont souvent portés les premiers coups, remarque la conférencière. On sait que les auteurs de violences conjugales sont des individus très immatures, qui ont du mal à gérer la frustration. Ils sont dans un rapport fusionnel. Le fait que leur compagne soit focalisée sur l’enfant à naître, peut leur être intolérable”. 

“C’est de ma faute !”

75 % des passages à l’acte, des violences physiques démarrent autour d’une question concernant l’enfant, parce que la maman ose s’opposer pour le bien de son enfant, alors qu’elle reste soumise pour elle. L’enfant se sent responsable des débordements violents de son père à cause de lui.  Il va éprouver de la culpabilité.

Des réactions décalées

Jusqu’à 2 ans, l’enfant est particulièrement vulnérable, car il n’a pas encore la capacité de mettre des mots sur ce qu’il ressent. Il enregistre à l’état brut dans son cerveau les sons, images, regards, gestes perçus pendant les violences. Ces sensations peuvent ressurgir à l’occasion d’un évènement minime qui lui rappelle la scène traumatique”, explique Karen Sadlier.

Des troubles de l’affect

60 % des enfants exposés à la violence conjugale présentent un état de stress post-traumatique. ” Ils présentent des troubles de l’affect, notamment la dépression, l’anxiété et des troubles post-traumatiques”, prévient la spécialiste. Ils ont également beaucoup plus de risques de reproduire ces schémas relationnels, les seuls qu’il aient intériorisés.

Le père violent peut s’opposer au suivi

Au Canada, les enfants sont considérés comme des co-victimes de la violence conjugale. Elle est assimilée à de la maltraitance psychologique et ils sont pris en charge. En Suède aussi. Mais en France, on pense qu’un mari violent peut être un bon père, compare-t-elle. Mais pour moi, un mari violent sera certainement un père violent. Le problème c’est qu’avec l’autorité partagée, le père peut s’opposer au suivi de l’enfant le temps de la procédure. D’après mon expérience, ce refus représente 50% des situations“.

 Il fait pression sur  l’enfant pour surveiller sa mère

La maman séparée devient autonome. Ce qui est insupportable pour le compagnon qui n’a plus d’emprise sur elle. “Certains pères harcèlent leurs enfants pour leur extorquer des informations sur leur mère – où elle travaille, si elle a un petit ami …–. Ils leur demandent de se procurer le code secret de son téléphone portable ou de ses mails. D’autres offrent un téléphone à l’enfant pour le géolocaliser en supposant que sa mère sera avec lui”, témoigne-t-elle.

Privilégier une visite avec médiation

“Si la maman vous dit qu’elle a l’impression que son compagnon sait toujours où elle est, ce n’est pas de la paranoïa, il a sûrement mis un mouchard sur son téléphone ou son ordinateur”. L’enfant harcelé se trouve alors en proie à un conflit de loyauté. Qui doit-il protéger ? . S’il répond à son père, c’est sa mère qu’il met en danger, mais s’il ne lui répond pas, c’est lui ! Mieux vaut privilégier un droit de visite avec une médiation.

Des troubles du comportement

Ces enfants  minimisent la peur “parce qu’on leur a toujours dit que ce n’était pas grave”. Ils peuvent se mettre en danger, puisque le radar “peur” ne fonctionne plus. Ils ont du mal à identifier leurs émotions, à les verbaliser. Et s’ils ont du mal à les verbaliser, ils les expriment autrement. Ce sont des enfants qui présentent des troubles du comportement (difficulté de sommeil, de concentration, d’appétit, agressivité … !

Mettre des mots sur ce qu’ils ressentent

Mais s’ils ne peuvent pas parler, ils peuvent pointer un émoticône. “Il faut les aider à extérioriser ce qu’ils ressentent et à mettre des mots dessus. On travaille sur 4 émotions. C’est les 4 couleurs de base : la colère, la peur, la tristesse, le bonheur. Et si on travaille en Trauma, il faut être prêts à faire des attestations pour aider à créer un filet de protection autour de l’enfant en confirmant ses dires. Il faut travailler sur la différence, pour que les enfants découvrent qu’elle n’est pas dangereuse dans un contexte normal“, explique la thérapeute.

Dénigrement de l’autorité maternelle

Entre 7 et 10 ans, certains enfants peuvent blâmer leur mère de déclencher ces violences. Ils peuvent lui reprocher ce que reproche le père violent. “Le comportement violent d’un homme encourage le manque de respect envers la mère et dénigre son autorité parentale. 17% des femmes violentées sont à leur tour violentes avec les enfants, souligne Karen Sadlier, mais ce chiffre descend à 7 à 8 %, si elles sont dans un contexte de sécurité“. Ils n’ont plus les repères de la normlité. Plus tard, l’adolescent risque d’intervenir dans l’affrontement, pour jouer le pacificateur ou le protecteur.

S’ouvrir aux relations bienveillantes

Les enfants de familles qui vivent la violence conjugale, sont très souvent coupés des personnes qui pourraient les écouter et les aider ou des celles qui pourraient reconnaître le problème. Les enfants ne peuvent pas aller comme les autres chez leurs amis. la famille se replie. Il est nécessaire d’ouvrir le plus possible le champ des relations bienveillantes.

CIDFF

19, rue d’Ambrail à Épinal

03 29 35 49 15

http://www.vosges.cidff.info

 

B.Boulay

Journaliste, c'est mon job ! J'aime les rencontres qu'il suscite, la diversité des milieux où il nous mène, les enjeux qu'il explore. J'apprécie le jeu de fil de fériste de l'éthique, qui parfois nous complique bien la vie... Après plus de 15 ans d’actualités locales, ACTU 88 est né. L’essentiel en toute simplicité. ACTU 88, c’est un journal indépendant, une aventure, un regard. C’est l’histoire d’hommes et de femmes qui donnent du sens à des projets. C’est la vie d’un territoire face aux enjeux de l’avenir. Faites-en un favori et contactez-moi ! ACTU 88 sera ce que vous en ferez ...

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