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Société

Etre des femmes libérées, tu sais c’est pas facile …

 

Elles ont trouvé refuge dans un foyer d’hébergement, avec leurs enfants, parce qu’elles ne supportaient plus de subir la violence de leurs hommes. Mais la peur ne les quitte pas. Elles sont marquées par leur histoire et peinent à se reconstruire. Avec beaucoup d’émotions, elles disent les choses, en espérant que les lois pourront un jour les protéger.

 

Isabelle a vécu 15 ans avec son mari avant d’oser fuir. « A 4h du matin, il ouvre les yeux, il boit », raconte-t-elle. Comme il ne touche pas les enfants, elle tient. Quand il a bu, tout est prétexte pour la frapper. Elle a établi un code avec ses enfants : « Quand il commence, je ne dis rien. Je les regarde juste avec mes yeux. Ils comprennent, ils sortent ».

Un jour après une crise, elle a passé la nuit à guetter son souffle. « Quand il est parti travailler, j’ai réveillé les enfants et on est sorti. J’ai appelé le 115 ». Elle n’est plus retournée chez elle. Mais elle n’a retrouvé qu’un semblant de tranquillité. Tout ne s’arrête pas parce qu’on est à l’abri !

La peur demeure

Elle est là depuis un  peu plus d’un mois, mais elle avoue que la peur lui colle à la peau. « Même ici, je le vois à coté de moi comme le diable ».  Pourtant au foyer, elle se sent en sécurité avec d’autres femmes qui ont un vécu proche du sien.  « Les enfants n’ont jamais réclamé leur père. Ils ne veulent pas partir d’ici ». Isabelle a obtenu un appartement. Elle a les clés, mais elle n’arrive pas à faire le pas. La peur l’habite, irraisonnée. Ca fait partie d’elle.

On attend de craquer

« On a la trouille de partir, confirme Lola., qui a vécu 7 ans avec son conjoint. On attend, on ne fait rien. On attend de craquer. C’était de la manipulation en continu. Il savait comment faire. Je suis retombée dans l’anorexie.  J’aurais pu me suicider, plutôt que de partir. Mais quand il a parlé de partir avec mon fils, j’ai eu la trouille de ma vie et je suis allée voir un service social. J’ai obtenu la garde de mon fils, mais je n’ai rien fait contre lui pour qu’il me laisse tranquille. Je suis même ressortie avec lui, sans retourner y vivre tellement il a d’emprise sur moi. Je ne me comprends pas. Ce n’est pas moi ».

Au 1001e coup, ça casse

« J’ai mis un an avant de partir. Ne serait-ce que de relever la tête, poursuit Alexia. Je ne pensais qu’à me protéger, à protéger les enfants. Je pensais que tant que je ne le contrariais pas, d’une certaine manière je gérais la situation, mais je ne contrôlais rien du tout ! ». Alexia poursuit : « C’est comme si on tapait 1000 coups sur une pierre, elle résiste, et que tout à coup, au 1001e coup, elle casse sans prévenir »

Toujours sur le qui-vive pour voir les coups arriver

Alexia a vécu la violence depuis son enfance. « Mon père était violent et après, ma mère a pris le relais ». Inconsciemment, elle a retrouvé la violence dans son couple. « Il m’a fait deux enfants, dont je ne voulais pas. Il les tapait dans mon dos. J’étais tellement épuisée que je ne pouvais plus réagir. Rien n’était jamais bien. C’était toujours ma faute. Il me privait même de la présence de mes enfants pour me punir. Pendant des années, j’ai lutté contre ce que je croyais être de l’alcoolisme, alors que c’était de la perversion.  J’étais toujours sur la défensive pour être sûre de le voir arriver et je ne le voyais jamais arrivé !».

Des idées de meurtre

Il a fallu qu’un jour, son mari la coince contre le mur et cherche à l’étrangler, « J’ai cru mourir », pour que le déclic se fasse. Stop ! « J’avais des idées de meurtre. J’étais prête à tuer pour nous protéger ». « J’ai peur de refaire ma vie, avoue encore Lola. Je ne me comprends pas moi-même. Avec mon fils, il a trouvé le levier et je suis contente que la garde alternée ne puisse pas se mettre en place avant qu’il ait 6 ans. Je n’arrive pas à passer ce cap. Et moi aussi, j’en arrive à souhaiter qu’il meure pour être libérée. J’ai bien conscience que tant que ce n’est pas réglé dans notre tête, il est impossible de s’en sortir».

Se défaire de l’emprise du conjoint

Alexia explique comment elle tente de se défaire de cette emprise. « Il a fallu que je passe par des images pour maîtriser la peur qu’il m’inspirait. Quand je pense à lui, je pense à un lombric qui se prend pour un boa ».

« Des éducateurs nous accompagnaient, poursuit Alexia. Mon fils à l’école avait un comportement de violence avec les autres. Ma fille avait un comportement de soumission, comme les animaux et même aujourd’hui, si j’arrive un peu vite, elle se couche au sol. Et un jour, mon fils a parlé à la psychologue qui a repéré dans son discours, de la perversion ». C’est un ultimatum. « Ou vous partez, ou on place vos enfants ».

Se sentir coupable

A ce stade encore plus qu’avant, Alexia se sent coupable : « Si vous pensez qu’ils sont en danger, prenez mes enfants et mettez-les à l’abri ». Elle a préparé « des fringues » comme pour les donner. « J’ai pris une cuite pour ne pas pouvoir revenir en arrière et on est venu me chercher ».

Alexia est au foyer depuis un an, mais rien n’est résolu. « Pendant 6 mois, j’avais l’impression qu’il était derrière moi. Je faisais encore comme il aurait voulu que je fasse ». Elle avait tellement enfouie sa vraie personnalité pour ne pas faire de vagues, qu’elle ne savait plus qui elle était.

Se protéger

Même avec ses enfants, rien n’est simple. « Ils ne me reconnaissent pas comme l’autorité. C’est très difficile avec eux. Il a fallu reconstruire une relation ». Même après un an, elle ne pense qu’à une chose, comment se protéger efficacement dans la vie courante ? « Je me suis fait agressée chez moi, parce que les enfants contents de voir leur père l’avait fait entrer ». Comment faire en sorte qu’ils voient leur père, sans être utilisés ? Car pour le père, l’objectif reste de reprendre possession de leur mère à n’importe quel prix. « J’ai l’air forte, mais dès qu’une personne devient violente, je suis tétanisée ».

Mettre de la distance

Alexia a décidé de communiquer par écrit avec son ex « pour ne pas se laisser embrouillée » et risquer de se laisser manipuler. Elle pense technique d’auto-défense, bombe lacrymogène et peut-être avoir un chien. Elle conseille le Kit de survie pour les citadines de Muriel Robin, qui donne quelques techniques simples pour se sortir d’une agression.

Impossible de penser à l’avenir

Toutes les 3 refusent qu’on parle d’elles comme de pauvres petites victimes. Elles veulent simplement qu’on les aide à se protéger et par là même, à pouvoir reprendre leur vie en main. Mais elles ne savent pas quand elles en seront capables. Peut-être qu’une structure relais où elles pourraient être chez elles,  mais protégées, où elles pourraient trouver quelqu’un avec qui parler si besoin, serait une bonne transition ?

Pour elles, il y a plusieurs niveaux d’action. Le premier, c’est la loi. Elles souhaitent que les lois les protègent réellement, qu’il ne soit pas possible de se servir des enfants pour tenir la mère.

Former la police et les secours

Pour cela, il faut que les forces de l’ordre et les secours soient mieux formés, qu’ils prennent en considération les problèmes de ces femmes et sachent comment agir. Il y a encore une marge immense entre les discours et les actes ! « Pour être entendue encore aujourd’hui, il faut arriver la tête en sang », témoignent-elles. Et de citer en exemple le cas d’une femme enceinte qui était au foyer, protégée « par le secret ». Elle a dû  être hospitalisée parce qu’après les coups reçus, elle perdait son bébé. Mais c’est le mari qui a été appelé pour fournir les papiers !!!  Où est la protection ?

Eduquer

Deuxième niveau : sensibiliser dès l’enfance, les filles et les garçons à la violence, aux différentes formes de harcèlement, leur parler de l’autorité et du respect, de la transgression et sanctionner vraiment tout acte de violence. « J’ai encore plein d’autres idées », assure Alexia, un tout petit peu plus dégagée de ce qu’elle a vécu.

La violence détruit tout et il faut beaucoup de temps pour se retrouver

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