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Épinal – Quels outils face aux dérives radicales ?

Mardi, les professionnels échangeaient sur leurs pratiques face aux dérives radicales en recrudescence. Les actes terroristes se multiplient partout dans le monde. Ils mettent en évidence un vrai problème social d’intégration. La réponse est évidemment la prévention, mais avec quels outils ?
On connait les facteurs qui conduisent au basculement : le sentiment de non intégration, la souffrance et l’impression de rejet, de ne pas être considéré à sa juste valeur. Un deuil, un accident de la vie, une rupture, un événement traumatique peuvent aussi déclencher  cette rancoeur contre un monde qui va mal et qui vous rejette, où vous ne trouvez plus de place, un monde qui pour vous, n’a plus de sens.

La violence transcendée dans le combat contre le mal

Cette violence, cette hargne, devient alors une énergie de combat pour une nouvelle cause, qui parait trancher avec ce monde rejeté. Et si tuer est la condition pour imposer cette doctrine, les radicalisés n”hésitent pas à tuer ceux qu’ils considèrent comme responsables de tous les maux de la terre.

Seule, la prévention peut inverser le processus

La réponse ? Mettre en avant des valeurs républicaines d’égalité, à condition qu’elles ne soient pas seulement un faire valoir, mais qu’elles guident vraiment les choix. Les “affaires” qui mettent en avant la corruption des hommes politiques amènent de l’eau au moulin de la radicalisation. Comment ne pas avoir envie de tout purger ?

Citoyenneté, égalité, démocratie, des mots trop galvaudés

La citoyenneté qui fait progresser tous les citoyens vers des conditions meilleures, va devoir devenir une cause enviable qui vaut la peine qu’on se batte pour elle et qui donne du sens à l’existence ! Mais ces mots ont été usés, galvaudés. Comment leur rendre leur lustre ? Comment les acteurs du territoire et les professionnels peuvent-ils mieux transmettre ces valeurs républicaines, notamment la laïcité et la richesse de la diversité ?

Donner du sens à la rencontre

Comment faire en sorte que les gens se rencontrent et s’apprécient dans des pratiques interculturelles. Comment préparer les professionnels à réagir le plus justement et le plus tôt possible à des dérives ? Comment proposer une réponse globale de réseau et de coopération ? Comment faire passer un message citoyen des gardiens d’immeubles aux familles ? Comment offrir des structures accueillantes qui donnent du sens à la rencontre ?

L’impression de vivre dans un pays raciste

“Pour la France, 600 personnes sont en zone de conflit, autant d’hommes que de femmes. 60 sont enfermés par le Mossad. 2000 personnes son susceptibles de vouloir partir, 100 000 personnes sont sympathisantes, détaille Denys Crolotte, référent Laïcité et citoyenneté, protection judiciaire de la jeunesse sur la Lorraine sud. Ces gens qui se radicalisent, ont l’impression de vivre dans un pays raciste et que 97% des gens le sont. Évidemment, c’est juste leur ressenti”.

Pour basculer : la propagande et une rencontre

Pour qu’ils basculent, poursuit-il, il faut 2 facteurs concomitants, l’influence de la propagande en réseau sur Internet et une rencontre humaine”. Jean-François Clément, antropologue de l’Association Citoyenneté Active Lorraine, prend l’exemple d’Émilie König, une Bretonne qui portait le niqab(voile intégral), devenue Djihadiste et partie en Syrie en abandonnant ses enfants  et son mari. Elle porte le nom de Ummu Tawwab (la mère qui pardonne). Elle a voulu témoigner auprès d’une chercheuse, Agnès De Fao.

Le voile, une mue symbolique

Abandonnée par son père, elle dit avoir été abusée à l’adolescence par le compagnon de sa mère. Elle a été mariée à un homme violent et elle est extrêmement ambivalente envers ses enfants. Émilie König a porté le voile comme une protection, pour se rendre invisible. “C’est ma 2e peau” confie-t-elle. “Elle est dans une mue symbolique. Elle a éliminé tout ce qui fait son passé “, interprète Jean-François Clément, antropologue, Association Citoyenneté Active Lorraine.

Les femmes ne sont pas des combattantes

Sur la vidéo, elle apparait extrêmement ambivalente. Avec un langage mesuré, elle interpelle : “Je suis respectueuse, pourquoi on ne me respecte pas ?“, mais on perçoit la violence du non dit derrière les mots, la rage qui couve et un grand vide d’amour.”Elle fait partie des 200 personnes recherchées par les Américains, mais ce n’est pas une combattante.  Les femmes ne combattent pas. Elles prennent soin des combattants et elles font de la propagande. Elle est dans une trajectoire qui va la tuer“, précise Jean-François Clément.

Maintenir le lien familial à tout prix !

Tout le monde peut être sensible à des mécanismes de radicalisation, mais ce sont les populations les plus fragiles qui sont les plus réceptives, donc les mineurs et les jeunes majeurs et pas seulement ceux des quartiers sensibles comme on a tendance à le laisser croire ! L’adolescence est un terrain propice à la radicalisation car c’est le temps des changements, des bouleversements hormonaux, des remises en cause des liens familiaux. Il faut maintenir le lien familial à tout prix car c’est avec la rupture que se fait le basculement“, développe Delphine Rideau, la directrice de la Maison Des Adolescents de Strasbourg créée en Janvier 2017.

Ils cherchent leur modèle

“L’adolescence est un temps où les jeunes sont à la recherche de sens et d’absolu et rejettent l’hypocrisie. Ils recherchent leurs valeurs, un idéal, des modèles” . C’est donc le moment de mettre en avant l’éducation à la citoyenneté, à la diversité, la lutte contre les discriminations et de favoriser tout ce qui permet de se découvrir, de s’apprécier. Il faut accompagner les jeunes et les familles. A la MDA de Meurthe et Moselle, qui est plus ancienne, on force sur l’expression avec du théâtre d’impro et de la radio.

Mettre des mots sur ses émotions

Enfin, la MDA de Remiremont fonctionne depuis 2 mois et demi. Elle est conçue comme un carrefour pour les 12-25 ans. Ils disposent d’entretiens avec un psychologue, d’un accompagnement dans les gestes quotidiens et ils ont des espaces pour exprimer leur souffrance et la comprendre. Une antenne vient d’être ouverte à Épinal. Pour tous, seul, un réseau construit et coordonné a quelques chances de prévenir les dérives radicales.
Centre national d’assistance et de prévention de la radicalisation : 0 800 005 696 services & appel gratuits
MDA Remiremont et Épinal : 03 29 39 51 38 – maisondesados@avsea88.com – 16 quai JUles Ferry à Épinal et 8 bis place Jules Méline à Remiremont
 

B.Boulay

Journaliste, c'est mon job ! J'aime les rencontres qu'il suscite, la diversité des milieux où il nous mène, les enjeux qu'il explore. J'apprécie le jeu de fil de fériste de l'éthique, qui parfois nous complique bien la vie... Après plus de 15 ans d’actualités locales, ACTU 88 est né. L’essentiel en toute simplicité. ACTU 88, c’est un journal indépendant, une aventure, un regard. C’est l’histoire d’hommes et de femmes qui donnent du sens à des projets. C’est la vie d’un territoire face aux enjeux de l’avenir. Faites-en un favori et contactez-moi ! ACTU 88 sera ce que vous en ferez ...

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